Un monde aveugle, un livre du poète Charbel Baini, a été traduit de l'arabe en français après avoir été traduit en anglais

RAMENEZ MON FILS D'APRÈS LA MORT

 – 1 –  

Elle se tenait debout, les mains couvertes de poussière,  

Au milieu de cette boutique  

Gonflée de corps ennuyés,  

Et prononça des paroles mortelles :  

– Ramenez mon fils d’après la mort !!

– 2 –  

Des rires dégoûtés d’eux-mêmes,  

Des mots tranchants de haine  

S’échappaient des mâchoires de ces gens,  

Et leur arrachaient les oreilles sans crainte !  

Ses doigts effaçant leurs regards,  

Elle se dressait devant eux, les défigurant :  

– C’est vous qui avez trahi mon fils.  

C’est vous qui avez volé mon fils.  

C’est vous qui avez tué mon fils.  

Ramenez mon fils d’après la mort.

– 3 –  

– Ça ne la regarde pas, ne réponds pas.  

Sa robe est tachée de boue.  

Son corps transpire d’exigences  

Qui ne seront jamais satisfaites.

– 4 –  

– Elle est folle.  

La mort est évidente dans ses yeux !  

La poussière de ses mains est effrayante…  

Elle pourrait nous aveugler,  

Nous jeter dans les mers,  

Gravée dans sa voix !

– 5 –

  Fou ?!

Ma folie a raison.  

Est-ce une bougie qui devient torche  

Pour brûler leurs antres d’infamie ?

Dans quelle obscurité se réfugient-ils,  

Qui aggrave leur mauvaise haleine 

Et versant leur poison dans nos tonneaux ?

– 6 –  

– Fou ?  

Ma folie est une révolution :  

Labourer, planter, arroser demain,  

Changer tout ça…  

Faire un festin !  

Ses balançoires enchantent les enfants.  

Il nous manque le cri strident de la joie,  

Il nous manque L’anneau, la vallée,  

Le cartable quotidien,  

Parfumé de pâtisseries à l’origan.

– 7 –  

– Fou ?  

Ma folie est un conte  

Que les révolutionnaires ont pris pour point de départ,  

À l’aube de la liberté qui a fleuri.  

Et dont les fleurs éclosent sans cesse  

Sur les artères solides du poignet,  

Celles qui ont construit les abris des orphelins  

Et les ont décorés de drapeaux au vent,  

Devenus balançoires pour la victoire.

– 8 –  

Ils ont tous tué mon fils,  

Celui qui ne m’a jamais épuisée,  

Que j’ai élevé avec bonheur,  

Versant des chansons à ses oreilles  

Tandis qu’il me souriait,  

Me brossait les cheveux  

Et prolongeait ma vie de son rire.  

Pour ses yeux qui ne se faneront jamais,  

Je ne laisserai jamais leur vie se prolonger.

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