Un monde aveugle, un livre du poète Charbel Baini, a été traduit de l'arabe en français après avoir été traduit en anglais

MER D'EXPATRIATION

– 1 –  

La mer d’expatriation est vaste, 

vaste !  

Elle a des lèvres,  

Elle a des yeux,  

Ses ongles sont des épées impitoyables.  

Je souhaite que la terre m'appelle,  

Je souhaite que le passé me revienne.  

Dans la mer d'expatriation, 

J’ai versé mes larmes.

– 2 –  

Pourquoi la délinquance nous 

pince-t-elle,  

Nous cache-t-elle dans l’obscurité de sa nuit ?  

Pourquoi la mort —  

La mort noire —  

La malédiction de la mort sans fin se joue de nous 

Et nous entraîne  

Dans son champ de honte ?

– 3 –  

Nous étions, lorsque nous étions :  

Des images qu’un enfant griffonne,  

Des rêves naissant à l’état de veille.  

Nous étions :  

Plus vastes que les points cardinaux,  

Plus anciens que l’Histoire,  

Plus grands que les gloires des 

Morts.  

Nous étions, lorsque nous étions :

Créant le fait,

Éradiant le présent,

Dessinant notre avenir 

Sur les murs de l'univers.

– 4 –  

Ils ont joué avec nous

Pensant que nous étions des échecs !

Et voilà…  C’est fini.  

C’est mort.  

Et tant sont morts…  

La moitié de ceux qui sont restés.

Et ceux qui restent  

Sont devenus des pions entre leurs mains.

– 5 –  

Ils ont joué avec nous

Pensant que nous dessinions

Et ont commencé à effacer les regards vigilants

Vidant les lèvres qui voulaient parler,

Coupant les mains levées

Contre l'oppression croissante,

Contre la faim qui nous assaille.

Mais ils ont oublié…  

Que de ce sang qui explose,  

Naît une génération nouvelle,

Capable de dessiner des murs, des fenêtres,  

Capable de griffonner des nations,  

Capable de vider toutes les tombes  

Que la terre retient.

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