Un monde aveugle, un livre du poète Charbel Baini, a été traduit de l'arabe en français après avoir été traduit en anglais

LARMES

– Des larmes, des larmes, des larmes…

On se noie dans les larmes !

Des larmes sur l’oreiller,

Des pleurs sur les mouchoirs,

Sur le marbre, comme sur des joues,

Les larmes rampent.

– Laisse-moi.

– Ton fils est mort ?

Mais c’était aussi mon fils.

– Tu n’arrêtais pas de lui dire :

« Un mort comme celui-là, c’est celui-là

Qui n’a pas de patrie. »

Un mort comme celui-là…

– Pourquoi vis-tu encore ?

Depuis que tu as perdu ta patrie,

Tu es mort.

Tu es devenu un sol sans terre.

– J’étais un figuier desséché,

Et ils étaient la mousson hurlante,

Jetant la peur sur les chemins.

J’aspirais aux ténèbres,

Et ils étaient les étoiles,

Souriant derrière les nuages.

J’étais la verge nue,

Et ils étaient le feu,

Dansant dans le désert.

J’étais le mouton,

Et ils étaient l’homme à viande,

Aiguisant ses couteaux sur les pierres promises.

– Et maintenant ?

– Je suis devenu la conscience.

Mon cœur, qui tremblait

À l’écho du mortier,

Est maintenant impitoyable.

Mes mains, qui avaient grandi en applaudissant,

Je les ai coupées.

Ma voix, qui saluait,

Crie et salue

Chaque fois qu’elle entend un discours.

L’écho l’a engloutie.

Ma voix a changé.

Moi aussi.

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