– 1 –
Toi,
Tes beaux yeux plantés dans la flamme.
Sur les pierres du soir,
Ta main m’a écrite… puis effacée.
Tes regards m’ont projetée
Dans des choses invisibles,
Mais délicieuses.
On m’a parlé de toi —
Mais on parlait d’eux-mêmes.
On a dit que tu étais un blé stérile.
Que tu étais un glaçon
Lâché dans un abri de montagne.
Une fleur que fuient les abeilles…
On a dit.
– 2 –
Ton lieu,
Aussi loin que je marche, je ne l’atteins pas.
Mes pieds mènent à mi-chemin,
Et la maison suspendue
Sur l'épaule du nuage
Toujours suspendue là,
Ni le vent, ni l’aigle ne l’approchent.
Tu es le bébé né dans mes mains.
Tu es le tremblement dans toutes mes veines.
Mes lèvres aspirent au rouge à lèvres frais.
Mes jours et le temps filent,
Mes poèmes et mon esprit sont perdus,
Je me suis agenouillée, j’ai prié pour toi,
Allumé une bougie oubliée
Dans des recoins odieux.
Pourquoi l’horreur partout ?
Où que j’aille,
Où que je marche, je la vois comme un géant,
Comme un chef oppresseur,
Comme le bourreau devant lequel chaque cou s'agenouille.
Les gens sont devenus fous.
Les gens sont devenus athées.
Dieu, pour eux, est un mauvais rêve.
Mon Dieu, où es-tu ?
Où sont les éclairs
Qui fendent les ténèbres
Pour construire la pierre d’un jour nouveau ?
Qui frappent et secouent les têtes
Pleines d'une profonde rancune,
Qui ne méritent plus de vivre ?
– 3 –
Ton pardon…
Tes yeux en amande pardonnent.
Il aurait mieux valu que je me taise.
Il aurait mieux valu
Mordre ma blessure,
Me taire.
Mais ma blessure est comme les gens :
Si je ne parle pas, elle meurt.
Si je ne me plains pas, elle meurt.
Incroyable…
Celui qui ne veut pas mourir
Demande maintenant la mort à Dieu.
L’au-delà est là.
Le début fut rude.
Les amis sont partis
Abandonnant le cœur qui les aimait.
Aujourd’hui, les moyens justifient tout.
Les moyens détruisent les âmes
Sans but.
Quelle chance à ton cœur pur,
Comme une mer vierge
Jamais traversée par aucun bateau,
Où aucun filet n’a été jeté,
Où les poissons vivent libres
Comme ta pureté,
Dans ce monde noyé de haine et d’horreur.
– 4 –
Toi, belle…
J’aimerais changer ce monde.
Mais je ne peux pas.
J’aimerais planter et cueillir des êtres humains…
Mais je ne peux pas.
Je suis humain.
Et ma faiblesse est plus grande que moi.
– 5 –
Mais cela me suffit :
Être un oiseau nichant sur ton toit.
T’aimer de tout mon amour,
Échapper aux marches
De cette profonde rancune.
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